jeudi 25 janvier 2007

Crépuscule d’une existence de tourments, ou comment Yggdrasill mit bas l’esprit libre.

Il faisait presque noir, et comme ma monture se dérobait, impétueuse, et commen­çait à échapper à mon contrôle, je m’arrêtai. Devant moi alors apparut, scindant le crépuscule de son immense silhouette noire, Yggdrasill, l’Arbre cosmique. Il connaissait mon désarroi, savait que ma monture ne répondait plus. J’attachai la bride rouge de sang, à la branche la plus basse (on ne voyait rien alors, car le feuillage était dense et le jour se terminait), et je compris que pour y voir plus clair, il fallait monter, et si possible atteindre la cime. Mais la cime, je n’y son­geais pas, car l’Aigle l’occupait déjà, et un aigle, voyez vous (surtout l’Aigle de la cime) c’est très fort et très beau, et je n’avais pas le droit de l’importuner. De toute manière, je n’étais pas venu pour cela. Non, j’étais venu à l’Arbre parce que ma monture se défilait.
Alors débuta mon ascension. Les premières branches étaient traitresses. Elles étaient rondes et glissantes, et elles donnaient un vertige sans nom à qui les étrei­gnait. Mais à mesure que je montai, je me sentis plus leste, plus habile. Je n’eus plus peur de tomber. Eh puis, qu’est-ce que ça aurait changé ? Mais voilà que mes habits me gênaient. Je les retirai, ils ne servaient plus à rien, j’étais seul avec les corbeaux. Devant moi alors, apparut une branche différente. Elle n’était pas comme les autres, en effet, puisqu’elle allait plus loin. Ce n’est pas la cime, on en n’est encore qu’à mi-chemin, mais peu importe. Je marche dessus, elle tient bon. Il n’y a pas de nœuds sur Yggdrasill, pas plus que sur les autres frênes. Je m’assis au bout. A ce moment là, nu, seul (avec les corbeaux) et au bout de cette branche, alors que le soleil se couchait, je m’aperçus, aimablement abasourdi, que je venais de naître.

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