samedi 19 mai 2007



Ma première scène sans traits noirs, esquissée sur papier puis colorisée à la palette graphique, hier soir et ce matin.

Un personnage dominateur et ténébreux, dont le regard ne traduit ni haine ni violence de tempérament, mais une chose bien plus effrayante : une froideur mécanique qui fait de ce guerrillero un chef militaire craint par ses hommes et respecté de ses suppérieurs.

Acabar mal



Un de mes premiers paysages complexes, brouillonné au crayon et encré à la main. Musique de fond pour l'inspiration : Sergent Garcia!

Il est 2 h 43 du matin.

Dehors, il pleut à torrent, dans ma petite chambre du premier étage, je réfléchis.

Depuis notre retour de stage, au Royaume-Uni, un de mes amis s’est mis à faire de la merde. Il est devenu alcoolique mais refuse de l’admettre, il ne travaille plus, ne fais jamais ses devoirs, dépense sans compter, sors avec des filles pour se vider les couilles, le reconnaît ouvertement, et joue les grands amoureux pour les garder à portée de main et se faire entretenir, a toujours une dette à payer à quelqu’un, se fous pas mal de respecter ses engagements, au point de laisser ses amis dans l’impasse.

Exemple : il abhorre les contrôles, tests, examens, et tout ce qui se rapporte à l’évaluation de connaissances. Demandant à son médecin de lui rédiger un certificat médical, il se porte absent à presque tout contrôle continu et partiel. Soit, pourrait-on penser, ça le regarde. Le problème, c’est qu’avec une absence justifiée médicalement, c’est comme si le contrôle n’avait jamais eu lieu. Il n’a ni zéro, ni dix, mais tout simplement pas de note. Facile dans ce cas de n’être présent qu’à un seul contrôle, de faire en sorte de le réussir, et d’avoir ainsi une moyenne basée sur cette unique évaluation. Plus facile en tout cas que de faire comme tout le monde, de passer tous les contrôles en luttant pour maintenir la tête au dessus de dix à chaque fois, l’esprit sans cesse inquiet à l’idée qu’un contrôle réussi n’est qu’un contrôle, et qu’il y en aura plusieurs autres comme lui. Autre exemple de son manque de responsabilité, et des répercussions que cela a eu sur ses amis : Dans notre cours d’expression orale, en anglais, l’examen se faisait sur une représentation théâtrale, que nous devions donner en groupe. Tout s’est bien passé jusqu’au jour de l’évaluation. Quand tous avaient fait l’effort d’apprendre et de coordonner des dizaines de lignes, pour les ressortir dans la fébrilité et l’excitation devant le professeur, lui ne s’était tout simplement pas montré. Il a laissé tomber l’ami à qui il devait donner la réplique, et c’est un autre qui a du les lires pour lui, afin que cet ami puisse quand même être évalué.

Nos sentiments sont partagés entre la colère, l’injustice et, de moins en moins souvent, la pitié. Qu’est-ce qu’on peut bien faire ?

A le voir se mentir à lui-même, à mentir aux autres, à se méprise et à mépriser ses études, j’ai pris un peu plus conscience de la voie que nous arpentons. Nos esprits réglés ensemble sur le vaste spectre des sentiments humains, nous sommes capables du pire comme du meilleur. Ensemble, nous prenons tous part, plus ou moins sciemment, à cette course au bonheur et à l’accomplissement, depuis la première bouffée d’air arrachée au monde extérieur.

Puissé-je étudier sans jamais me lasser ni manquer de motivation, et me projeter vers l’avant avec une vigueur chaque jours plus forte.

J’ai peur de l’échec ultime, le l’égarement irrémédiable. J’ai peur de perdre, comme mon ami, ce fil si fragile de fierté et de dignité qui mène quiconque parvient à ne pas le briser à la plénitude.

Alertes et toujours seuls, nous combattons notre ombre.

information, crainte et domination

Il semblerait que ce qui régit les rapports humains soit l’information et les rapports d’autorité qu’elle engendre. A tous les niveaux. Dans toutes les sociétés. Qui sait quelque chose de plus qu’un autre impose un respect obscur à cet autre. Obscur parce que ce dernier, s’il ignore ladite information, ne sait pas pourquoi il est en position d’infériorité. Il le sent, le perçoit perpétuellement. Il se conforme à cette loi, et n’ose affronter son supérieur, parce que cela reviendrait à défier cette notion qui a valeur de vérité inaliénable pour lui. A la perspective de vaincre son supérieur et d’endosser ses responsabilités, cet autre prend conscience de la précarité qui caractériserait alors sa situation. Il n’aurait pas l’information qui rendait son supérieur apte à commander, il serait donc en position d’illégitimité, en danger.

Laisser son supérieur commander, même quand on se sait physiquement supérieur à lui, et craindre d’endosser ses responsabilités de peur de faire preuve d’incompétence, voilà la règle qui nous habite en permanence. Certains se soumettent aveuglément à cette loi sociale, et gobent docilement les ordres, s’assurant par là même un avenir humble et ordinaire, sans vagues d’excitation certes, mais au moins sans lames de fond destructrice. Parce que nous tenons à la vie. D’autres étudient le comportement de leur supérieur, tentent, puisqu’ils ignorent l’information, de l’acquérir, afin de pouvoir un jour égaler ce supérieur, puis le dépasser, ce dans le but de s’accaparer son pouvoir de manière légitime et naturelle. Souvent, ils complètent cette discipline évolutive en veillant à ce que leurs égaux et leurs subalternes n’aient eux-mêmes pas accès à cette information. Limitant leur compétitivité, évoluant dans le mystère, ils laissent les proies de leur stratagème comportemental s’interroger sur les causes de leur succès, constituer, fortifier et préserver leur mythe, factice en grande partie, jouant ainsi de leur ignorance.

Dans quelle catégorie nous trouvons-nous ?

J’imagine que nous sommes tous subalternes, évoluant et supérieurs à notre manière, en fonction de nos domaines d’activité, qu’il en a toujours été ainsi, et que cette logique sera propre à l’humanité aussi longtemps qu’elle vivra. Le tout serait peut-être de prendre conscience de la manière et du degré auxquels nous lui sommes soumis. Nous rendre compte des voiles d’éther que nous prenons pour des murs infranchissables, deviner qui les a placés là et pour quelle raison, savoir définir nos objectifs, mettre en œuvre les stratagèmes nécessaires à leur satisfaction, prendre garde à ne pas tomber dans l’excès de confiance, afin de ne jamais retomber. Retomber, ne serait-ce pas la pire des perspectives ? C’est ce qui pousse les craintifs à s’enterrer, et à taxer ceux qui osent l’aventure d’inconscience. Inconscience, vraiment ?

S’affronter par connaissances interposées.

Défis de réflexion

Comment être persuadé intimement de la vérité de sa religion et accepter que d’autres n’y adhèrent pas et professent une autre croyance ou encore ne croient en aucune religion ?


Etablir une réponse unilatérale à cette question serait inapproprié. Les oppositions entre religions survenant à différents degrés du spectre des rapports humains, il convient de remettre en question la légitimité de l’opposition religieuse en prenant en compte trois différents niveaux : individuel, dogmatique et ethnoculturel.

On peut constater que la capacité à tolérer une autre religion dépend en premier lieu de la nature purement individuelle de la foi. En effet, même inclus dans une communauté religieuse fraternelle et très ritualisée, l’individu reste seul face à sa foi, et se constitue, par le biais de son expérience personnelle et des valeurs familiales, communautaires et culturelles dans lesquelles son esprit critique s’est forgé, une croyance personnelle qu’on pourrait même qualifier de « sur mesure », compte tenu de la divergence des attentes de chacun face à la transcendance et à l’éternité.

Ainsi, on admettra volontiers qu’au niveau individuel, la tolérance dépend des valeurs morales qui pétrissent la foi, ce qui la rend par là même dépendante de la propension du sujet à accepter ou non la nouveauté, et donc des propriétés les plus élémentaires de notre subjectivité. Selon toute vraisemblance, seul un raisonnement volontairement tolérant aboutit à la tolérance. Qui voudra voir en l’autre l’ennemi de sa foi le pourra, souvent même en se basant sur ce qu’il croit être les vertus fondamentales de sa religion, mais qui ne sont en fait que l’interprétation qu’il en fait. D’où la virulence du DJihad islamiste, concrétisation de la vision d’un chef spirituel, dont les idéaux relèvent souvent d’une interprétation nouvelle et personnelle de la loi coranique. Le caractère interprétatif apparaît d’autant plus clairement lorsqu’on prend acte du contraste entre les différentes écoles coraniques qui se sont succédées, chacune se démarquant de celle qui la précède par une discipline et un extrémisme toujours plus assumés, et les valeurs énoncées dans le Coran, exemptes pour ainsi dire de toute contrainte comportementale. Muhammad se divertissait volontiers par le biais de la musique, des plaisirs sexuels (au sein des liens du mariage, évidement), des jeux de société et d’autres passe-temps propres à ceux de son rang et de son temps, à en croire le Livre. D’où proviendraient alors la xénophobie et l’austérité viscérales des mollahs et de leurs martyrs, si ce n’est d’une interprétation, c'est-à-dire un procédé subjectif, collectivisé et institutionnalisé ?


L’exemple précis de l’hostilité islamiste face aux pays « porteurs de la croix » nous amène à considérer le deuxième palier où tolérance et acceptation interviennent, c'est-à-dire le niveau des oppositions de dogme. On constate que dans de nombreux cas, l’acceptation d’une religion par une autre dépend de la proximité de leurs préceptes et des vertus qu’ils défendent et, par jeu de réflexion, de la nature et de l’étendue de leurs contradictions. Ainsi, la tolérance est beaucoup plus envisageable entre branches d’une même religion monothéiste, voire entre les différents monothéismes. Preuve en sont les démarches bilatérales entreprises depuis la dernière moitié du XXe siècle par les chefs spirituels des différentes branches du christianisme, de l’islam, du judaïsme et du bouddhisme (bien qu’affilié à aucun monothéisme, le bouddhisme est par nature ouvert à la différence, et donc enclin à accepter le dialogue, cette particularité n’ayant été portée à son faîte, toutefois, que par le dernier Dalaï-lama). Cela montre clairement que le caractère essentiellement interprétatif de la religion intervient aussi à échelle interreligieuse, et que le dialogue dépend de la volonté de dialoguer. Trouver dans son mythe fondateur les lois incitant à la tolérance est à peu près aussi aisé que de trouver celles qui établissent que le croyant est « seul contre tous ».

Le dernier stade auquel apparaît cette capacité à tolérer la différence serait celui des conflits de civilisations et de leurs enjeux humains : l’Histoire ne tarit pas d’exemples par lesquels l’Homme a su illustrer son inclination à mêler à la religion des notions sociétaires cruciales : le capital humain ; l’économie et la création de richesse ; la domination territoriale et l’hégémonie ethnoculturelle. La violence des croisades illustre parfaitement comment au nom d’un message d’amour et de préceptes fraternels, l’Homme est capable de mener les guerres les plus ardentes, et de mêler à un but premièrement religieux des intérêts économiques, territoriaux et diplomatiques (cf. les luttes fraternelles entre l’Ordre du Temple et les armées royales au sujet des responsabilités et revendications au sujet des croisades ; la capture et le rançonnage de Richard Cœur de Lion par le monarque autrichien à son retour de Jérusalem, quand bien même tous deux avaient pris part à la même campagne ; les exactions commises dans le but de conquérir ou de reconquérir la Ville sainte, et les héros nationaux qu’elles ont engendré dans les deux camps : Saladin du côté musulman, les divers rois guerriers du côté chrétien).

Un autre exemple de l’implication d’éléments profanes dans les oppositions de religions serait la Conquête de l’Espagne entre 712 et 1492, période pendant laquelle, sous l’autorité califale d’Al Andalus (le nom de l’Espagne arabe), les trois monothéisme ont pu cohabiter, ce dans le but de constituer, pour la première fois dans le monde occidental, un terreau scientifique, artistique et commercial fondé sur la coopération des trois religions du Livre. Le contrepoids de cette démarche fut la Reconquête catholique menée par les rois d’Espagne, et les décennies consacrées à l’épuration de toute forme de réminiscence judaïque et islamique de la société espagnole que ce processus a engendrées.

D’une manière générale, on peut convenir que l’acceptation d’une autre religion ou de l’athéisme repose, à toutes les échelles, sur l’ouverture d’esprit, l’érudition du sujet et les conditions économiques, sociales et culturelles dans lesquelles il a été élevé. Un théologien docte dans le domaine des trois religions du livre pourra aisément tracer des analogies entre judaïsme, christianisme et Islam : si elles divergent sur des points de vue interprétatifs et symboliques, il est aisé de penser qu’elles se retrouvent sur l’essence et les vertus prônées. A l’inverse, un croyant peu instruit ou adhérant de manière primaire à sa religion (persuasion d’appartenir à la seule vraie religion, déduction primitive qui implique que si je tiens pour vrai les préceptes de ma religion, tout précepte religieux extérieur à la religion que je pratique est erroné) aura plus de facilité à ne pas admettre le croyant divergent ou l’athée.