dimanche 22 avril 2007

L'histoire!

Alskhan veut dire « roi ours » en vieux nordique. C’est le nom que les dieux soufflèrent à la sorcière du village lorsqu’au moment ou l’enfant atteignit les quinze ans, elle exécuta les rites destinés à le faire entrer dans le monde des adultes. La vielle femme révéla ensuite à ce dernier la destinée que les esprits lui avaient réservée : il serait le plus grand chef de guerre et de paix que toutes les plaines du Nord connaîtraient jamais, et même par delà la chaine enneigée des Gholgares, bêtes et hommes craindraient sa colère et reconnaîtraient sa justice.

Mais le conseil des chefs du village ne crurent pas les oracles de la vieille femme. En effet, le garçon (qui alors se nommait Haki), avait toujours été chétif et manquait d’assurance face aux autres enfants. Son faible gabarit et son air perpétuellement apeuré lui avait très tôt attiré le mépris de ses camarades. Lors des banquets, l’habitude avait conduit tout le monde à l’acculer aux coins les plus sales de la tablée, là ou mangeaient les chiens et les esclaves. Et Haki, qui jamais ne protestait, s’était accoutumé à la douleur des os et des injures qu’on lui jetait à la figure.

Il faut dire que Haki n’étais pas de la lignée des grands chasseurs qui peuplent le village. A l’inverse des autres garçons, dont la formation avait été initiée très tôt afin qu’ils composent la fière relève des guerriers et chasseurs de leur communauté, Haki venait d’une famille de paysans miséreux qui, affamés par des hivers sans cesse plus rigoureux et les attaques de plus en plus hardies des loups sur leur maigre cheptel, l’avaient envoyé au village afin qu’il se fasse serviteur de quelque guerrier, et assure ainsi la survivance de la famille.

Enhardi par la perspective de devenir l’élève d’un grand guerrier, Haki avait donc quitté, à dix ans, la chaumière familiale, pour traverser les grandes plaines de Skjoldr’nir (l’Horizon du Sud, en référence à la platitude infinie qui caractérise cette région du continent). Au terme de son périple à travers les landes rendues infertiles par le gel, Haki était parvenu à l’orée du village, sur les contreforts du mont Droppaheim. Il ne se doutait alors pas de la tournure sordide qu’allait prendre son existence.

En effet, arrivé au village, on lui avait demandé son nom, ainsi que son pays d’origine. Lui avait fièrement répondu : « Haki, du bout de l’Horizon ! », et déclenché, à son grand étonnement, le fou-rire de tous ceux qui avaient pu l’entendre. Passant la tête entre les jambes de la foule qui s’était agglutinée autour de lui, un garçon à l’air roublard lui avait lancé : « Hé, d’où sors-tu pour avoir un pareil nom d’esclave, et ne pas même dire de qui tu es le fils ? Ici on respecte le sang ! » Puis, aussitôt après lui avoir craché aux pieds, le garçon avait disparu dans la foule.

Après que l’enfant eut expliqué son cas au conseil des chefs du village et exposé les raisons de sa venue, ces derniers avaient convenu de le mettre au service de Galidh, un homme aussi violent que disgracieux dont la hutte tenait une place importante dans l’enceinte du village. Colérique et rarement sobre, Galidh ne jouissait pas d’une très bonne réputation au sein de la communauté. Il dirigeait cependant une flotte de navires marchands qui cinglaient, une fois les glaces brisées, vers le Sud et les nombreux ports d’aventuriers qui jalonnaient les côtes et les îles, jusqu’à la Baie australe. Ils s’en revenaient, chaque lune durant l’été, les cales remplies d’étoffes et de bijoux pour les femmes, d’épices et de poudres pour les sorciers, d’armes et d’armures pour les guerriers. Les forgerons aussi se voyaient ramener des lames de matériaux nouveaux à travailler, comme ce nouvel alliage de fer et de carbone qui faisait la gloire des royaumes du Désert. Tout cela, les marchands de Galidh l’obtenaient en échange des fourrures que les chasseurs ramenaient et de l’ambre que l’on extrayait par quintaux des mines creusées à flanc de falaise.

L’existence de Haki fut dure auprès de cet homme au visage rubicond et au front sans cesse plissé par les soucis que lui-même se créait. Très rarement vu aux parties de chasse et aux tournoi, Gadhils passaient le plus clair de son temps à compter la fortune qu’il amassait au fil des expéditions, ne sortant que pour aller invectiver le chef des mines, afin que ce dernier augmente encor plus le rendement de l’extraction. Sa retraite lui laissait tout le loisir de vociférer ses ordres à Haki, quand il n’était pas trop ivre ou fatigué pour le battre.

Ne recevant qu’un bien maigre pitance en guise de paiement, Haki vit très tôt ses espérances tourner court. La seule forme d’éducation qu’il recevait provenait de la sorcière du village, Ülgar, qui était parvenu à convaincre le chef du Conseil de l’utilité d’éduquer tous les enfants du village. Et personne, pas même la richesse de Gadhils, ne pouvait faire changer la décision du chef. C’est ainsi que Haki apprit à lire les runes et à les tracer pour se protéger. Il étudia aussi le nom et l’effet des champignons, la signification du vol des oiseaux, et bon nombre de choses qu’il connaissait déjà, pour avoir vécu toute sa vie à la campagne. Et s’il était bien une seule chose que les autres enfants jalousaient chez Haki, c’était bien sa connaissance de l’univers, cette sensibilité qui provenait autant de ses origines que de sa naturelle humilité. Et à son grand malheur, ses camarades y voyaient une raison de plus de le mépriser…

Les choses se passèrent ainsi jusqu’à ce que l’heure des rites de maturité sonne pour Haki. La tradition voulait que tout enfant, une fois arrivé à son quinzième printemps, se soumette à une série de rituels destinés à expier les dernières bribes d’insouciance de son esprit, et à lui insuffler le sens des responsabilité. C’est aussi à ce moment-là que l’enfant se voyait attribuer son nom d’adulte, choisi par la sorcière en fonction des traits de caractère avec lesquels il avait grandi. A partir de cet instant, le nom de l’individu serait chargé de sens, et l’on ajouterait volontiers une mention rappelant de qui la personne était le fils ou la fille, comme pour souligner son appartenance au monde des adultes et sa place dans la société.

Lorsque ce fut le tour de Haki, de nombreux villageois s’étaient massés pour assister à la cérémonie. Non pas par respect, mais par une curiosité quelque peu malsaine : comment Ülgar allait-elle le nommer, ce gringalet qui jamais ne disait mot, cet esclave dont les parents-mêmes devaient avoir oublié jusqu’à l’existence ? Leur stupeur ne fut pas usurpée, lorsqu’ils entendirent enfin la sorcière rendre les oracles : une destinée unique attendait l’enfant, si unique qu’elle guiderait ses pas loin au Nord du Royaume et l’enverrait conquérir des marches perdues. L’enfant prendrait désormais le nom d’Alskhan, et serait ours blanc parmi les loups…

La prédiction, assez nébuleuse, plongea l’assemblée dans la réflexion. Mais dès qu’il fut entendu que le destin promettait à Haki richesse et gloire, les rires fusèrent, et l’on ne tarda pas à taxer l’oracle de baliverne : le trône de l’Empire du Nord était tombé il y a quinze ans de cela aux mains des Olörgs, le Clan Sombre dont parlent avec effroi annales et grimoires de toutes les terres. Ils étaient parvenu, au terme d’une bataille dont les tenants et aboutissants sont des plus obscurs, à renverser le roi Lorkja, monarque valeureux et aimé, et avaient exterminé par la suite toute sa lignée. Leur règne avait initié un âge de crainte et d’autorité sur le continent. Les gelds, tributs en soldats et en richesses payés tous les ans au roi par les chefs de villages, avaient considérablement augmenté. L’armée impériale ne protégeait plus que les comptés les plus riches ou les plus proches de Heimraala, la capitale, et l’on raconte que la cité même était devenue le repère des Sorciers Noirs et des brigands, tous partisans de longue date du Clan Orlög. Une chape d’ombre s’était abattue sur le royaume, et son maléfice pouvait se ressentir dans le hameau le plus isolé de la forêt, dans le plus reculé des villages de montagne. Alors prétendre qu’une personne aussi insignifiante que Haki puisse parvenir à changer quoi que ce soit à ce nouvel équilibre n’était pas sans soulever les moqueries et la condescendance.

Pourtant, le lendemain même, Ülgar convoqua le jeune homme dans sa hutte, à l’extérieur de l’enceinte du village. Elle lui demanda de s’asseoir, de prendre le thé, et de lui raconter sa première journée en tant qu’adulte. Alskhan ne put contenir ses larmes en relatant les supplices et les railleries que lui avaient fait subir les autres garçons du village. Il se prit même, un instant, le regard fatigué par les larmes, à souhaiter n’avoir jamais vu le jour. Cette dernière réflexion piqua la curiosité de la sorcière, qui lui demanda où il était né. Elle le savait naturellement, mais comptait de cette manière amener Alskhan à connaître la troisième partie de sa prophétie.

Il lui répondit, interpellé par la singularité de la question, qu’il était né dans une famille de pauvres cultivateurs du Sud, et que cela était une preuve de plus de sa médiocrité. Le regard brillant de malice, Ülgar pointa du doigt la cicatrice qui ceignait son orbite el le haut de son arcade, et lui demanda comment il s’était fait cela. Le jeune homme lui avoua qu’il ne le savait pas, qu’il l’avait toujours eu, aussi loin qu’il s’en souvienne.

C’est à ce moment précis que la sorcière décida de lui révéler la dernière partie de l’oracle qui lui était associé : « Mon garçon, aussi sûr que tu es noble d’esprit et que moi je suis vieille et ridée, tu ne viens pas d’une simple famille de paysans. La marque qui ceint ton œil témoigne de la violence dans laquelle ont baigné tes premiers instants, et sont la preuve qu’une destinée tout aussi mouvementée t’attend. Va-t-en voir tes parents, demande-leurs où ils t’ont trouvé. Et court ensuite à ta destinée… » Avant qu’il ne parte, Ülgar lui confia Kraka, la corneille qui toujours l’accompagnait : « Nourris la bien et elle te sera de précieux conseil. Les corneilles sont les messagères des dieux, aussi être ami avec l’une d’elles ne peut être que de bon augure… Observe son vol quand tu lui demanderas ton chemin, et comme tous les oiseaux, elle te renseignera sur les dangers à venir comme sur le temps qu’il fera. Va maintenant ! »

Pendant des jours, Alskhan arpenta la route par laquelle il était arrivé au village. Une fois arrivé à la chaumière de ses parents, ces derniers ne purent contenir leur joie. Toute la soirée durant, ils fêtèrent ensemble leurs retrouvailles. Après le repas le plus généreux que les parents eurent jamais pu offrir, ces derniers lui révélèrent enfin les circonstances qui les avaient amenés à le prendre pour fils : ils l’avaient trouvé un matin d’hiver, dans les bras de sa mère que la mort avait raidis, et dont le visage, ravagé par le supplice du chariot (un châtiment qu’on ne réservait qu’aux nobles), avait protégé le sien de la brulure du froid et des graviers de la route. Qui avait fait subir telle torture à une mère et son enfant, les vieux paysans ne le savaient pas, mais il ne pouvait s’agir, à leur jugement, que du plus monstrueux des hommes… Ayant entendu cela, Alskhan remercia le vieil homme et sa femme, et prit promptement la direction du Nord.

Ce nouveau voyage fut l’occasion pour Alskhan de prouver sa valeur et sa ténacité face aux éléments. Des marais pestilentiels aux vapeurs empoisonnées aux chaines enneigées des Gholgares, en passant par les forêts d’Yris, que hantent loups et esprits errants, Alskhan apprit à se fier à son instinct, à s’endurcir devant l’adversité. Les longues nuits passées allongé seul dans l’obscurité, à regarder les étoiles et à écouter la nature bruisser d’une insondable vie autour de lui finirent par doter le jeune aventurier d’une confiance totale envers sa destinée. A présent conscient de la place infime qu’il tenait dans l’univers, et de l’omniprésence inéluctable du danger, Alskhan sut que le cours de sa vie était entre les mains des Dieux, que se cacher était inutile, et que si, par hasard, il venait à mourir, ce serait parce qu’il devait en être ainsi, et que dans tous les cas, il serait mort d’avoir voulu accomplir sa prophétie. « Quoi de plus beau, songeait-il souvent, que de savoir que l’on court droit vers son avenir, et que chaque jour que les dieux font, le voyageur aventureux s’approche un peu plus de la plénitude ! ». Et à travers les yeux de Kraka la corneille, Ülgar, les esprits, les pères divins, le cosmos tout entier observait, réjoui et enthousiaste, les pérégrinations prometteuses de ce jeune homme plein de vie et d’espoir, dont l’esprit encore adolescent ne soupçonnait pas les merveilles que la destinée lui réservait.

mardi 10 avril 2007



Docteur Wu, le journaliste le plus cool de la planète. Alors, LDF, tu trouves comment?


L'un des personnages principaux de l'histoire su laquelle je travaille en ce moment. le visage est pas mal foiré, le moteur flotte en l'air et j'ai oublié le cablage des freins. Un magnfique exemple de précipitation!


Paysage glauque et théocrépusculaire terminé ce matin, pour Mimi, tiens, parce qu'elle va aller voir mon blog!